Un petit pas pour le gouvernement, un grand pas pour la citoyenneté

La lotocratie au secours de la démocratie

ou la convention citoyenne pour créer l’appétence pour la chose publique

La convention citoyenne pour lutter contre le réchauffement climatique commence ses travaux pour trois mois. Elle réunit 150 Français tiré·es au sort et représentatives de la structure de la société. Elle dispose de temps et de moyens d’audition pour, à la fin, proposer des mesures.

Disons-le franchement : mettre en place cette convention est une excellente nouvelle tant ce dispositif (autrement appelé jury citoyen) est réclamé par nombre d’associations, d’experts ou d’acteurs de la vie politique depuis des années. Plusieurs candidats pirates l’avaient d’ailleurs intégré à leur programme lors des législatives 2017. 

Entendues ici ou là pourtant, des critiques dénient à ce type de participation citoyenne une « légitimité », venant aussi bien d’élus que d’ONG. Les uns voulant conserver une exclusivité de la représentation, les autres une exclusivité de l’expertise citoyenne.

Pourquoi un jury citoyen non élu ?

  • Il s’agit de sortir la réflexion politique de deux influences dont les élu·es peinent à se départir : les lobbys (les intérêts des entreprises, publiques ou privés) et la technocratie. 
  • le mandat donné aux membres du jury est temporaire (quelques mois), non renouvelable (pas de réélection à désirer) et thématique (ici, la lutte contre le réchauffement climatique).
  • les membres du jury ne sont pas des professionnels de la politique : les mesures qu’ils proposeront passerons l’aune de leur propre style de vie, espoirs pour leurs proches et contraintes quotidiennes. La crise dite des « gilets jaunes » a bien montré que l’acceptation de mesures techniques, si bonnes soient-elles, n’a rien de facile.

La vigilance vis-à-vis des influences que peuvent subir les membres du jury doit être très élevées : il faudra en savoir plus sur ce point.
Si le « filtre » constitutionnel annoncé va de soi, celui du Parlement est bien entendu plus sensible. Il serait dommage d’embouter un cycle original de réflexions dans un fonctionnement parlementaire classique. Il faudra, sur ce point également,  que l’ensemble des acteurs citoyens soient vigilants.

Pourquoi refaire des expertises ?

De façon plus surprenante, certaines ONG écologiques ne se sont pas réjouies de la mise en place de la convention citoyenne. Il faut comprendre l’argument : nos expertises sont prêtes depuis longtemps, nos propositions aussi, pourquoi les refaire et reculer d’autant les décisions ?

  • les ONG sont parfois rentrées en résonance du jeu politicien et l’acceptation de leur analyse n’est pas plus du pain béni pour une partie de la population que le discours politique. La taxe carbone par exemple, longtemps réclamée, suscite depuis des années des rejets violents.
  • les ONG ont parfois forcé le trait dans leurs slogans, flirtant parfois avec l’incongruité scientifique. Que le jury citoyen veuille interroger directement des scientifiques, c’est une excellente chose et Greta Thunberg ne demande par exemple rien d’autre.
  • La convention citoyenne doit travailler pendant trois mois. C’est peu et si les expertises des ONG sont confirmées, ce court délai fera finalement gagner du temps.

Un dispositif à systématiser

On le voit, le jury citoyen s’intègre dans des dispositifs existant tout en apportant ce que nul ne donne.

Ainsi, tous les acteurs de la citoyenneté ont intérêt à ce que cette convention soit bien menée et utile, au-delà des aléas politiques. Car le principe du jury citoyen devrait être beaucoup plus institué dans notre fonctionnement démocratique quotidien. Avec les élections municipales et métropolitaines à venir, voilà une bonne idée… qui pourrait démontrer que telle ou telle liste n’a pas de « citoyenne » que de nom.

Avec un tel dispositif rendu fréquent, voire systématique donc impliquant beaucoup de gens, on créé l’habitude de la participation et à terme un rapport différent à la chose publique. N’est-ce pas justement ce dont nous avons besoin aujourd’hui ? 

Osons aller plus loin : et si une nouvelle réduction du temps de travail était compensée par du temps ainsi consacré à la participation citoyenne ? La société y gagnerait beaucoup tout en sortant des vieilles oppositions temps privé/temps salarié, au profit de l’émancipation du citoyen·ne par rapport à la complexité des choses.