Un 8 décembre de convergence des luttes
Quand nous arrivons place de la Nation, lieu de départ de la Marche pour le Climat, une première surprise : la discrétion, ou plutôt la faiblesse du dispositif policier. Incapables d’être au four et au moulin, la préfecture a manifestement décidé d’alléger au maximum l’encadrement de la Marche, pour concentrer le gros des troupes sur les Gilets Jaunes, dans le secteur des Champs Elysées.
Pourtant, la crainte de dérapages est là. Un organisateur nous interpelle et nous remet un tract explicatif. Quelle attitude adopter en cas de violence, de débordement. Ne pas intervenir, se retirer de la zone, aller chercher les organisateurs… Ces précautions se révéleront inutiles et la marche se déroulera, de Nation à République, dans une atmosphère festive et joyeuse, diamétralement différente des scènes de guerrilla urbaine qui ont lieu à trois arrondissements de là.
Des ambiances différentes mais en rien opposée. Car des gilets jaunes, à la Marche pour le Climat, il y en avait beaucoup. Pour comprendre ce que c’est que ce mouvement, il faut en revenir au fondamentaux. Etre un Gilet Jaune, ça veut dire vêtir un gilet jaune dans un contexte militant. Que des citoyens mobilisés sur l’urgence climatique aient décidé, par centaines, de revendiquer ce symbole, voici qui constitue un message clair.
Le peuple et les citoyens sont beaucoup plus unis que ne l’espère l’oligarchie politique et médiatique. Et c’est en vain qu’on tentera désormais d’opposer la France des centres villes éduquée, sensible aux questions environnementales et passablement gentryfiée à celle des périphéries, violente, frustre et obnubilée par ses maigres fiches de paie. Les slogans répétés lors de la manifestation “Gilets jaunes, gilets verts, on va pas se laisser faire” et autres “justice sociale, justice climatique” ne laissent pas de doute : les deux combats sont liés.
La convergence était en germe depuis le début. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle s’est clairement exprimée. Aucun écologiste sérieux n’a jamais imaginé qu’on pourrait faire la transition écologique aux dépends des pauvres. Quant aux Gilets Jaunes, leurs revendications initiales sur les taxes des carburants appartiennent déjà pratiquement au passé du mouvement : c’est pour un changement de système qu’ils manifestent désormais . Et bien qu’il ne soit pas encore possible de savoir de quel système et de quels changements il s’agit, une chose est sûre : les communicants gouvernementaux ne pourront pas réitérer leurs grossières tentatives de récupération.
Ce 8 décembre, la convergence des luttes a eu lieu. Avec quelques mois de retard, le peuple français commémore enfin dignement le cinquantenaire de mai 68.