Start up nation : Hauts les coeurs
Mounir Majouni, sémillant secrétaire d’état au numérique annonce « 100 mesures pour les start ups ». Le nombre « 100 » fleure bon son épopée napoléonienne et incite à la prudence, tant on imagine aisément une réunion de fonctionnaires chargés de pondre poussivement les quelques mesures de plus qui arriveront à ce total tout rond.
L’ensemble est ici : https://www.numerique.gouv.fr/actions-startups
Soyons beaux joueurs : Tout n’est pas à jeter dans les propositions. Par exemple, l’idée d’ouvrir le Répertoire National des Certifications Professionnelles aux formations débouchant sur des métiers « en évolution » est intelligente. Le temps numérique, en effet, n’est pas celui du RNCP qui demande des enquêtes de placement sur cinq années révolues.
La casse sociale
Mais, sans surprise, c’est le volet social qui inquiète le plus. Il est proposé que les effets de seuils de nombre de salariés ne soient effectifs que lorsqu’ils sont franchis au cours de cinq années civiles consécutives. Si cette mesure est appliquée, il sera possible de travailler dans une entreprise d’une centaine de salariés pendant des années sans disposer de CE ou d’élus du personnel. Au temps pour la protection des salariés alors qu’on sait que derrière leur masque de coolitude, les start ups ne brillent pas toujours par leurs pratiques sociales ( lire ici : https://www.nouvelobs.com/rue89/sur-le-radar/20170303.OBS6084/l-enfer-des-start-up-j-avais-l-impression-que-tout-le-monde-portait-des-lunettes-roses.html ). L’entreprise n’est pas un haut lieu d’expression démocratique et le syndicalisme français n’est pas en grande forme. Mais si on casse encore plus ce qui ne marche, les choses ne risquent pas de s’améliorer.
Start up, kezaco ?
On pourrait parcourir la liste d’un bout à l’autre et s’effrayer, notamment, des projets de financement à plusieurs milliards qui ressemblent surtout à des aspirateurs à fonds publics. Ou se préoccuper du relèvement des seuils pour les appels d’offres publics, qui sont des remparts au clientélisme et à la corruption. Mais surtout nous vient une question. Au fait, de quoi parle t-on ?
Qu’est ce que c’est qu’une start up ? En droit commercial, cette définition n’existe pas. L’imaginaire public fantasme une bande de post adolescents, au fond d’un garage, n’ayant pas fini leurs études et qui révolutionnent le monde à coups d’idées de génie, façon Mark Zuckerberg. Mais on parle aussi de start up pour des filiales de grands groupes informatiques, bâties sur des problématiques nouvelles. Ou encore dans la mode. Ouu dans la restauration… Un peu où on veut, en fait.
Et si, sous couvert de branchitude high tech, Mounir Majouni esquissait un nouveau droit du travail, de nouvelles règles économiques et sociales qui auraient, à terme, vocation à s’appliquer à l’ensemble des entreprises françaises ?C’est dans cette perspective qu‘il convient d’exercer la plus extrême vigilance sur ce qui pourrait être une étape décisive de la transformation de la France en cette chose que le président Macron appelle de ses voeux et a baptisé Start Up Nation…
En tant que pirates, on apprécierait que sous couvert de liberté d’entreprendre, on ne jette pas par dessus bord la solidarité, la répartition juste des richesses… Si notre pays a besoin que les petits soient incités à prendre plus d’initiatives, il ne s’agit pas pour les gros de pouvoir encore plus exploiter les plus faibles. Un Capitaine de navire n’avance pas sans équipage…