Pétain ou la polémique du vide
C’est la question de la semaine : “Pétain a t-il été un grand soldat ?” Question subsidiaire : “La vie politique comme l’humaine nature sont[-elles] parfois plus complexes que ce qu’on voudrait croire[?] ” Par Emmanuel Macron, notre chantre national de la pensée complexe.
Le hasard a voulu que ces interrogations passionnent la place publique alors que je venais de terminer les “Mémoires de la Grande Guerre” de Winston Churchill et que j’attaquais juste “La France de Vichy” de Paxton.
Rapidement, sur la première question : En 1916 Pétain a gagné la bataille de Verdun et c’était pas évident. Bon point pour lui. Dans le détail,on se rend compte qu’il s’est surtout contenté de ne pas faire les mêmes inepties que ses collègues qui, pendant quatre ans, ont inlassablement fait charger des gros paquets d’infanterie contre des mitrailleuses protégées par des barbelés. La guerre des tranchées était une guerre défensive. A Verdun, Pétain a optimisé la défense.
Moyennant quoi, le bilan de la bataille n’est quand même pas fabuleux : 163000 français tués pour 143000 allemands alors que pour une fois, c’étaient eux qui fonçaient sur les défenses. Score médiocre. Mais moins désespérant que les grandes offensives de Champagne de 1915 ou que la bataille de la Somme de 1917. Pétain, finalement, était un borgne au pays des aveugles.
Du coup, on brûle de la question suivante : si les huit maréchaux de France sont honorés aux Invalides parce que ce sont de grands soldats, ça veut dire quoi, au juste, être un grand soldat ? Le bilan de Pétain est sujet à discussion, ceux de Joffre et de Nivelle ne le sont pas : tout au long de la guerre, ils furent des bouchers obtus et incompétents, envoyant stupidement à la mort des centaines de milliers de poilus. Ils n’ont pas ordonné de rafles d’enfants juifs, est-ce un motif suffisant pour rendre hommage à ces brutes galonnées ?
Enchaînons sur la deuxième question : est-ce qu’on peut séparer l’homme de Verdun et celui de Vichy ? Le point Godwin étant depuis longtemps atteint, on peut s’autoriser à poser la question autrement : Et si on organisait à Beaubourg une exposition pour réhabiliter l’oeuvre picturale de jeunesse d’Adolf Hitler, injustement éclipsée par sa carrière politique ? Il fut un peintre moyen mais comme on l’a vu, Pétain n’était pas non plus un stratège bien génial…
Je suis contraint à un aveu difficile auprès des lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici : ces questions n’ont aucun intérêt. Ou alors au troisième degré. Elles forcent à nous interroger : à quoi s’amuse la communication Elyséenne ? Notre président jupitérien s’ennuie t-il donc qu’il éprouve le besoin maladif de susciter la polémique comme un vulgaire Jean Marie Lepen ? Ou peut être qu’effrayé par le silence, il se contente de taper sur quelque chose, pour le simple plaisir de faire du bruit, pour nous distraire ? En tous cas, c’est le mérite du Gorafi d’avoir parfaitement analysé la séquence.