Oxfam : Dividendes, au rapport !

Illustration tirée du rapport Oxfam
Oxfam et le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne) ont publié ce lundi 14 mai un rapport sur les profits du Cac 40 et une analyse complète pour savoir à qui ils profitent. Surprise ! surtout aux actionnaires.
Ce rapport est digeste mais vous pouvez en lire un résumé sur le site du Monde : http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/14/profits-du-cac-40-la-priorite-aux-actionnaires-de-plus-en-plus-contestee_5298422_3234.html
Litanie de scandales : Les investissements et la participation salariale se contractent, les dividendes explosent. Et cela même quand l’entreprise est dans le rouge et comprime ses frais de fonctionnement aux dépens des salariés et des sous-traitants. Aggravant la tendance, les salaires des PDG suivent la même courbe inégalitaire: de plus en plus indexés sur les performances boursières des entreprises, les annuels bruts des dirigeants du CAC 40 ont explosé. Ceux des salariés stagnent, au mieux.
L’Etat, premier perdant
Ce dont Le Monde ne parle pas assez et qu’explique très bien le rapport Oxfam-Basic, c’est que le premier perdant du système est l’Etat, la collectivité. Entre 2009 et 2016, les bénéfices du CAC 40 augmentent de 61%, l’impôt ne progresse que de 28% : une véritable saignée pour les finances publiques. L’évasion fiscale a pris des proportions industrielles mais n’est pas seule en cause : les mesures de crédits d’impôts ont considérablement dopé les bénéfices du CAC 40 aux détriments de la collectivité. Ces bénéfices dont on a vu qu’ils ne servent ni aux salariés, ni à l’investissement d’entreprises qui prépareraient le futur …
Sur Bonny and Read, nous respectons trop nos lecteurs pour jouer aux vierges effarouchées et pousser de grands cris. Les gens sont assez grands, à la lumière des informations détaillées dans le rapport Oxfam, pour juger de la politique de Macron : était-il opportun de casser les droits des salariés, ce qui affaiblit leur position vis à vis de l’employeur et finira pas peser in fine sur leurs rémunérations alors qu’ils sont les dindons de la farce de la répartition des bénéfices ? Quelle urgence de supprimer l’ISF sur les produits financiers alors que ceux ci sont de plus en plus rentables ? Et que penser de l’abolition de l’Exit Tax à une époque où les paradis fiscaux n’ont jamais été aussi accessibles ?
Notre réflexion portera sur un autre point. Comme le rappelle l’article du Monde, le 5 février 2009, alors que l’onde de choc Lehmann Brothers a renversé la finance mondiale, Nicolas Sarkozy a proposé de “moraliser le capitalisme” : “Cela fait bien longtemps que je pense que la règle des trois tiers est une bonne règle (…) Sur 100 de bénéfice, il devrait y en avoir 33 qui reviennent au salarié, 33 qui vont directement dans la poche de l’actionnaire et 33 qui servent à être réinvestis dans l’entreprise parce qu’une entreprise, cela doit investir pour continuer à être compétitif.”, déclarait alors le président.
Méfiez vous du chiffre Trois
Aujourd’hui, les dividendes captent 67,5% des bénéfices du CAC 40, l’investissement 27,5% et la participation… seulement 5% ! Ce bobard des trois tiers, nous y avons jamais cru. Sarkozy, toute son action l’atteste, ne l’a jamais cru. Mais qu’est ce qui, à l’époque, a pu le rendre crédible ?
La réponse est simple : c’est le chiffre trois. La tripartition de l’âme chez Platon, la triple nature du Dieu chrétien, les dissertations en trois parties trois sous parties, les trilogies d’Hollywood, la règle des 3% de déficit de Maastricht, celle des trois clics sur un site web… le chiffre trois passe pour l’équilibre parfait. Du coup, il se passe d’argumentation, il n’en a pas besoin puisqu’il est perfection. Le trois fait buguer nos cerveaux d’occidentaux. Quand on l’entend dans un discours argumenté, notre rationalité s’éteint et accepte l’évidence. Un conseil : méfiez vous toujours du chiffre Trois.
Le capitalisme ne se moralise pas
Parce que même avec ce chiffre magique, il se trouve que le capitalisme n’est pas quelque chose qui se moralise. Aussi, lorsque dans son éditorial, (http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/14/cac-40-un-partage-desequilibre-des-profits_5298636_3232.html) Le Monde termine par un vibrant “Il est temps pour les actionnaires de comprendre que leur soif insatiable de profits nous mène tous dans le mur.” , il y a presque de quoi rire. Les actionnaires ont bien des défaut, la difficulté de compréhension n’en est pas un. Pour mettre un frein à leur avidité, il faudra bien autre chose que de la pédagogie.
A ce titre, les préconisations du rapport Oxfam / Basic nous semblent tièdes. Limiter le rapport de 1 à 20 pour les salaires est déjà très modeste. Une autre proposition, celle d’impliquer les élus du personnel aux CA des entreprises, ne donne pas non plus satisfaction. Dans l’état actuel de la chose syndicale, les représentants des salariés seraient aussi vite corrompus et manipulés par l’oligarchie financière que le sont les politiques professionnels, et pour les mêmes raisons. Il y a un vrai travail à faire pour la mise en place d’une démocratie réelle et horizontale dans les entreprises, un système permettant des prises de décisions collectives impliquant tous les acteurs, de tous les statuts, y compris les sous-traitants. Ce n’est qu’à ce prix que les structures économiques pourront évoluer vers une véritable responsabilité et donc, oui, une morale qui ne sera pas qu’un effet d’annonce télévisuel.