Le fallacieux monsieur Joffrin

Argumentum est un jeu de carte consacré aux arguments fallacieux dont vous pouvez lire la description ici et dont nous nous servons pour déconstruire les discours intentionnellement biaisés.

Vieux briscard de la presse française, Laurent Joffrin a bien des qualités professionnelles qui ont contribué à sa longévité médiatique. Il est à craindre que l’honnêteté intellectuelle n’en fasse pas partie, ou du moins pas sur tous les sujets. Sur la réforme du droit d’auteur envisagée par le parlement européen et où il est question des gros sous que pourrait percevoir la presse, le directeur de publication de Libération n’hésite pas à enchaîner une impressionnante succession d’arguments fallacieux.

Joffrin débute la partie en abattant deux cartes complémentaires, pour tuer le match. D’abord, le « faux dilemme » “soit vous êtes du côté de la presse, soit vous êtes du côté des GAFA”,

qu’il complète d’une “culpabilité par association”.

Les sulfureux GAFA étant indéfendables, vous n’avez d’autre option que de rejoindre le camp du bien dont Joffrin fait partie. Une captatio benevolentiae aussi délicate qu’une clé de bras des frères Gracie…

Appels aux émotions

Dans le corps de son article, Laurent Joffrin se fait plus bucolique : en jargon Argumentum, nous disons qu’il “cueille les cerises”,

ignorant dédaigneusement les arguments qui ne vont pas dans son sens en couvrant le haut de son paniers de belles idées rouges et juteuses, très soigneusement sélectionnées. Mentionne t-il les erreurs d’une modération / censure forcément automatisée ou sous-traitée à Manille ?  Nous entretient-il du droit de citation ? de parodie ? Que nenni. Par contre, Joffrin ne lésine pas sur le registre de l’émotion : d’abord un parallèle osé entre la fonte de la banquise et celle des chiffres de la presse. Il enchaîne ensuite sur un poignant “appel à la pitié”

en décrivant les journalistes condamnés au chômage. Et conclut par un “appel à la terreur”,

en évoquant la figure macabre de l’étendard à tête de mort, filant sans vergogne une métaphore épouvantablement convenue.

Un peu de mesure et surtout de documentation auraient été souhaitables : les ressources ne manquent pourtant pas pour élever le débat (Par exemple ici : https://saveyourinternet.eu/ ). Non, les pirates ne sont pas du côté des GAFAs, ayant plus qu’à leur tour dénoncé leurs pratiques inacceptables en terme de violations de la vie privée ou d’optimisation fiscale. Nous reconnaissons le droit des auteurs et des producteurs de contenus à une juste rémunération : simplement, au 21ème siècle, celle-ci ne va pas se faire avec les outils du 18ème. Il faut pour cela être capable de remettre d’anciens modèles en question.

Et osons le mot, il va peut-être bien falloir se contraindre à produire un certain niveau de qualité. Nous sommes à l’heure d’internet, du croisement des sources et des débats en ligne. Il n’est pas exclu que la posture de l’éditocrate barbichu qui assène des idées sans prendre le temps de les argumenter sérieusement ait fait son temps, qu’elle ne nourrisse plus son homme. Une chose est certaine : ce n’est pas pour la qualité d’un article de cet acabit que nous aurions envie de payer !