Fête à Macron : les mauvais comptes font les bons ennemis

Or il advint que le samedi 5 mai fut ensoleillé. Et que les opposants de Macron réussirent leur pari en amenant une foule, des dizaines de milliers de personnes, dans les rues de Paris.
Oui mais combien de dizaines de milliers, exactement ? La tradition manifestante veut que deux chiffres, très différents, soient diffusés en même temps : celui des organisateurs et celui de la préfecture. Sauf que pour cette fois, on attendait un troisième compteur, annoncé à grand renfort par une presse qui allait l’utiliser, celui de la société Occurrence.
Et patatras ! La préfecture annonce 40000 manifestants, la France Insoumise 160000. Jusque là tout va bien. Mais voilà qu’ Occurrence sort 38900 . Ce chiffre, à la centaine près sans arrondi, a une certaine apparence de crédibilité mais il est surtout très vexant pour les organisateurs de la manifestation alors que Frédéric Lordon, pilier du mouvement, avait appelé « à faire nombre ». 
Suit une polémique tweetesque : face aux railleries du camps Macron, il ne faut pas longtemps aux fêteurs à Macron pour déterrer un caillou dans le jardin d’Occurence sous forme d’un tweet de son directeur, Assaël Adary à Aurore Bergé, porte parole de LREM à l’assemblée :  Pour « une expertise totalement indépendante » sur une manifestation justement opposée à LREM, ça la fiche pas franchement bien.
Pour autant la méthode d’Occurence semble solide : évidemment, les entrailles de l’algorithme sont gardées bien cachées, ce qui n’est pas un signe de transparence. Mais la technique de comptages manuels et de redressement paraît rigoureuse. Plus en tous cas que l’évaluation de LFI dont on ne voit pas franchement sur quel doigt mouillé elle se base.

Et ceci nous amène à quelques réflexions :

– Que les organisateurs de manifestations aient tendance à booster leurs résultats, voici ce qui est sans doute le secret le moins bien gardé de la vie militante françaiseIl est d’usage de gonfler les chiffres face à une préfecture qui aura tendance à les minorer et cela depuis si longtemps que le premier organisateur qui s’en abstiendra prendra le risque de donner l’impression de faire un bide, alors même que son événement aura été un succès. 
– Que l’on compte les manifestants, pourquoi pas ? Mais bon sang, ça ne serait pas possible d’imaginer un algorithme complètement ouvert avec des archives lisibles et vérifiables, le tout piloté par les services publics et pas par une société privée à l’agenda discutable ? Et si ce service public pouvait être raisonnablement indépendant du gouvernement, ça le rendrait plus crédible qu’une préfecture nécessairement aux ordres.
– Enfin : si le nombre n’était pas si important ? Si la qualité d’un mouvement populaire ne se mesurait pas qu’au nombre de chaussures battant le pavé mais par la motivation, par les espoirs, par l’énergie qu’il suscite ? En définitive, la grande faute des organisateurs de la Fête à Macron est de s’être laissés embarquer dans cette polémique stérile et, surtout, comptable. Comptable donc capitaliste et capitaliste à petits bras.
La lutte contre Macron et son monde vaut mieux que ça.