Et Hulot fit oeuvre utile
Et si le ministre Hulot avait servi à quelque chose ? Courtisé par trois présidents successifs depuis 2002, l’animateur télé a dédaigné mettre sa popularité au service d’un exécutif politique jusqu’en 2017. Au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, ce n’est pas sans surprise qu’on l’a vu rejoindre le gouvernement de Philippe avec le rang de ministre d’Etat. Pour n’y rien faire.
Que Nicolas Hulot parvienne à orienter la politique nationale dans une logique écologique, qu’il triomphe des lobbys industriels et se trouve en capacité de placer l’environnement en priorité française numéro 1, voilà une hypothèse en laquelle nous n’avons jamais cru. Le seul débat était pour trancher si Hulot était un cynique vendant son image ou un idiot utile aux lobbys. De fait, on l’a vu avaler couleuvre sur couleuvre, de la question des centrales nucléaires à celle du lobby des chasseurs, qui fut la dernière et finit de l’étouffer.
Une année de non-résultats
Une année complète de non-résultat jugée diversement. De nombreuses voix ont plaint un écologiste sincère mais pieds et poings liés par un gouvernement aveuglé de productivisme libéral. D’autres, comme l’ex députée Isabelle Attard ont régulièrement taclé un ministre de l’écologie parfaitement conscient de son inutilité.
Mais voilà qu’à la toute fin d’un mois d’août caniculaire, alors que le désordre climatique est devenu une réalité concrète, Nicolas Hulot, en direct à radio, démissionna de son ministère. Et de façon fracassante.
Sur l’homme Hulot, sur ce qui se passe et s’est passé dans sa tête, les opinions sont à nouveau divergentes. Respectueuses des éléments de langage d’Emmanuel Macron qui parle de la décision solitaire d’un “homme libre”, les chaînes de TV ont choisi de psychiatriser la démission du ministre pour la vider de son contenu politique (https://www.arretsurimages.net/articles/demission-la-tele-psychiatrise-hulot ). pour le Edwy Plenel, au contraire, il s’agit de l’ultime “cri d’alarme d’un homme de bonne volonté” ( https://www.mediapart.fr/journal/france/280818/nicolas-hulot-une-demission-salutaire-un-tournant-historique?onglet=full ). Isabelle Attard, enfin, pas spécialement réconciliée avec l’ancien animateur TV, dénonce une opération de sauvetage opportuniste de la côte de popularité de Nicolas Hulot, son principal capital médiatique ( https://reporterre.net/depart-Hulot-ni-surprenant-ni-courageux ).
Nous allons être un peu plus humbles : nous ignorons complètement ce qui s’est passé dans la tête de Nicolas Hulot. Et, d’ailleurs, cela ne nous intéresse pas.
Après quelques jours d’hésitation pendant lesquels la fort ridicule hypothèse Cohn Bendit a été testée et rejetée, c’est François de Rugy qui récupère le poste. Apparatchik pur jus et opportuniste consommé, capable des contorsions éthiques les plus souples, sa nomination a l’immense atout de la clarté : sous la présidence Emmanuel Macron, l’écologie, on s’en fout. On s’en fout complètement.
C’est donc bien vrai que tout est fichu ?
Et, de fait, le message est passé. Dans les discussions entre amis, aux déjeuners de boulot, des gens peu sensibles aux causes écologiques s’émeuvent désormais. C’est donc bien vrai que tout est fichu ? Qu’on va pas y arriver à sauver l’environnement ?
Et la mobilisation pour le climat du 8 septembre de rencontrer un succès inédit ( https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/09/08/rassemblements-a-paris-et-en-france_5352080_3244.html ). Pour qui a connu les mobilisations faméliques de quelques centaines ou dizaines de militants, même les chiffres de la préfecture donnent le tournis.
Pour l’environnement, il se passe quelque chose. Une prise de conscience dont on ne peut pas dire si elle sera durable, suffisante, si elle va s’étendre ou s’essouffler mais qui doit incontestablement quelque chose à la démission de Nicolas Hulot. Ce qui nous entraîne un peu plus loin, vers la réflexion suivante :
C’est le retrait d’un homme surmédiatisé qui aide à l’émergence d’un mouvement populaire pour l’instant bienheureusement dépourvu de figure de prou. C’est parce que l’écologiste français le plus populaire s’est brutalement retiré du jeu politique que les gens ont commencé à prendre leurs responsabilités.
Pour nous pirates qui croyons en une démocratie horizontale et participative, voici une démonstration que nous n’oublierons pas.