En finir avec le discours dominant

Le sous titre aurait dû être le titre. Le “Traité d’économie hérétique” de Thomas Porcher n’en est pas un. Ce n’est pas un traité – il n’expose pas ce qu’est l’économie de façon systématique. Et ce n’est pas une hérésie – l’auteur ne revendique pas de dogme déviant.

D’économie, par contre, il est question et plutôt bien : Thomas Porcher est enseignant et semble faire partie de ces gens qui prennent leur travail au sérieux. Ses explications sont précises et didactiques, il n’ignore rien des bienfaits de la répétition et de la redondance. Son discours est accessible sans être simpliste et si le style en est un peu sec la clarté est au rendez-vous.

On l’apprécie dans un contexte, celui de notre époque. Emmanuel Macron parodie Margaret Tatcher “There is no alternative” ( https://www.letelegramme.fr/debats/macron-joue-t-il-jupiter-ou-thatcher-07-04-2018-11916967.php ), la commission européenne s’est bruyamment félicité du “sauvetage” de la Grèce ( https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/08/22/euro-l-amere-odyssee-de-la-grece_5344962_3232.html ) et, plus récemment, Pierre Moscovici décrit la dette comme un croquemitaine de contes pour enfant, susceptible de revenir pour se “venger” ( ) . Voilà ce qu’est le discours dominant, libéral, omniprésent. Thomas Porcher nous propose d’en finir.

Si tu n’es pas sage, vilain petit prolétaire, la dette viendra te manger…

Un livre de combats

Treize chapitres, autant d’idées reçues et tout y passe : la dette, la protection de l’emploi, le FMI… Disons le clairement : un lecteur un peu instruit sur ces matières n’apprendra pas grand chose et gagnera à sauter directement sur les chapitres où il se sait le plus léger. A ce titre, la conclusion de l’ouvrage ne manque pas d’intérêt : Porcher y résume et synthétise en petites fiches – des “principes d’autodéfense” – ce qu’il a expliqué. Et cela nous renseigne à la fois sur la particularité et l’usage du livre de Porcher.

L’économiste atterré a signé un beau succès de librairie avec plusieurs dizaines de milliers de vente – score important pour un livre austère écrit par un inconnu du grand public. Et ce succès, d’une certaine façon, valide sa démarche. Thomas Porcher n’amène aucune idée nouvelle. Il ne propose pas de refondre la marche de l’économie nationale ou mondiale selon de nouvelles règles, fussent-elles “hérétiques”. Il ne propose pas une lecture originale du fonctionnement du capitalisme comme Naomi Klein avec “La stratégie du choc”. Simplement, il aide le citoyen à s’équiper.

Grâce à sa lecture, le militant de gauche qui tracte sur les marchés répliquera à ses arrogants homologues de LREM. L’employé pourra dégainer contre les cuistres de droite à la pause devant la machine à café. Lors des repas de famille, le neveu ripostera au tonton réactionnaire, grand lecteur du Figaro. Cela de façon assez exhaustive.Et ce n’est pas rien.

Lors de la présentation du budget 2019, l’exécutif martellera probablement que “there is no alternative”. Pas d’alternative au gel de l’indice des retraites qui, alors que l’inflation est repartie à la hausse, frappera durement les retraités les moins nantis. Pas d’alternative à la transformation du CICE en baisse de cotisation, qui se traduira par une perte immense de revenus par l’Etat et une gigantesque augmentation des dividendes. Pas d’alternative à la défiscalisation des heures supplémentaires qui aboutira mécaniquement à la destruction de milliers d’emplois.

En ces temps de lutte, alors que les retraites et la sécurité sociale sont dans le viseur du gouvernement, c’est à tous les étages qu’il faut résister. Le “traité d’économie hérétique” de Thomas Porcher ne suffira certainement pas à en finir avec le discours dominant. Mais il contribue à équiper les citoyens pour qu’ils mènent la lutte, là où elle se trouve.