« Ele Nao » à Stalingrad

La démocratie brésilienne est en perdition et le naufrage a été rapide. D’abord une série de scandales de corruption décrédibilisant les principaux partis de pouvoir. Puis la procédure d’empeachment de Dilma Roussef, entâchée d’irrégularité et aux airs de coup d’état. Ensuite l’assassinat de Marielle Franco, une députée qui enquêtait sur les violences policières. Enfin le procès et l’emprisonnement de Lula, principale figure politique du Brésil.

Le coup de grâce pourrait être asséné par le peuple : pour le deuxième tour de l’élection présidentielle qui aura lieu dimanche 28 octobre, Jaïr Bolsonaro, député d’extrême droite, est donné largement en tête.

Bolsonaro est incaricaturable : homophobe, raciste, ultra-libéral, nostalgique de la dictature militaire, fervent défenseur de la torture et des exécutions sommaires, ses saillies délirantes font passer les éructations de Le Pen père pour des chansonnettes romantiques. On l’a décrit comme un “Trump tropical”. Il faudrait davantage le rapprocher de Duterte, le monstrueux président philippin, promoteurs d’escadrons de la mort.

Un sursaut pour le second tour ?

C’est pour appeler à un sursaut démocratique avant le second tour que des associations ont appelé à un rassemblement devant la rotonde de Stalingrad, ce samedi 20 octobre. Malgré le soleil éclatant, la musique et la bonne humeur, l’ambiance n’y était pas.

Le Mouvement des Sans Terre, les associations de protection de l’Amazonie et de ses habitants indigènes, celui des femmes brésiliennes, les représentants LGBT et bien d’autres se sont succédés à la tribune. Chacun a rappelé les menaces que fait peser le candidat fasciste sur telle ou telle partie de la population. Et chacun a appelé à un sursaut qui, concrètement, ne peut venir à court terme que du vote pour le compétiteur de Bolsonaro : Haddad, candidat d’un Parti des Travailleurs aussi décrédibilisé que  le Parti Socialiste en France.

Contre le fascisme, il n’y a pas de neutralité qui tienne : il faut se battre et résister où qu’on se trouve. A Sao Paulo, si on est à Sao Paulo, à Paris si on est à Paris. Mais quelle efficacité sur le plan électoral pour un rassemblement d’expatriés déjà largement hostiles à Bolsonaro ? Et puis les photos qui circuleront sur les réseaux sociaux ne risquent elles pas de mobiliser davantage le camp fasciste ? On imagine sans peine l’effet qu’elle peuvent faire sur les populations des favelas ou les classes moyennes paupérisées.

Comment vivre dans un Brésil fasciste ?

Mais dans les esprits, l’affaire semblait déjà pliée et les échanges portaient sur le coup d’après : comment vivre, survivre dans un Brésil fasciste ? Comment aider les brésiliens quand Bolsonaro sera à la tête du plus grand pays d’Amérique du Sud ?

On aurait tort de ne pas se sentir concernés. Certes, un océan sépare la France du Brésil. Mais si le fascisme l’emporte dans un pays qui représente la moitié d’un continent, les conséquences s’en feront lourdement sentir dans une Europe où l’extrême droite est en progression constante.