Discours présidentiel, cocktail fallacieux

Le patron de LREM s’adresse à l’ensemble des citoyens pour leur parler d’Europe ( https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/03/04/pour-une-renaissance-europeenne ) .
Ce texte de campagne, issue peut être de la plume d’un communiquant d’Euro RSCG, se révèle un cocktail d’arguments fallacieux d’une incroyable densité. Et dans lequel, miracle mixologique, les sept familles du jeu Argumentum sont représentées. Nos experts tentent de reconstituer la recette :

Sur une base de tricherie

La Tricherie consiste à s’affranchir des règles tacites du débat.

Ici, nous avons un président supposé au dessus des partis et qui utilise sa position pour faire clairement campagne pour LREM. Ça devrait être un moment digne et grave : le président de la république française s’adresse à l’ensemble des citoyens pour leur parler d’Europe. Sa fonction exige de lui qu’il se situe au delà des partis et qu’il énonce un discours aux idées claires et fortes. Premier serviteur du peuple, il ne doit essayer ni d’imposer ses vues ni de manipuler son auditoire : son devoir, au contraire, est d’amener chaque citoyen à prendre ses responsabilités en fonction de ses valeurs, de la façon la plus rationnelle et la plus éclairée.

C’est un abus de position,une Plaidoirie spéciale : avec ce discours, LREM passe tranquillement sous les radars du temps de parole du CSA. De la multiple réalité des choses, Emmanuel Macron ne retient que ce qui l’arrange ( Attention sélective ) et impose ses cadres de valeur comme unique référence (Dogmatisme et Culturocentrisme)

Cinq doses d’influence

L‘Influence traite des façon d’agir directement sur le lecteur pour gagner de l’ascendant.

Ici, le rappel de la seconde guerre mondiale est un Appel à la peur évident. De façon général, le texte use et abuse de clichés (Poncifs anticritiques), de Procédés rhétoriques, de Leurres pour imposer un Cadrage dans lequel le lecteur n’a pas d’autre choix que d’adhérer à la ligne politique exposée, essentiellement d’ailleurs sous forme de Vœux pieux.

Shaker avec des paralogismes

Les paralogismes sont des erreurs de raisonnement.
Ici, un Déni de corrélative crée artificiellement une distinction entre une proposition de statu quo qui n’existe nulle part et la ligne proposée qui est celle qui se rapproche le plus du statu quo. On voit également une Inconsistance dans le paragraphe sur les libertés qui ne traite, finalement, que de contrôle et d’interdiction.

Une dose d’obstruction

L’Obstruction concerne les façons d’empêcher qu’ait lieu le débat.

En caricaturant l’ensemble des euro-sceptiques, en les déclarant tous Coupable par association des mouvements haineux et propagateurs de fake news, Le texte Empoisonne le puit et tente de rendre impossible la discussion sur le sujet.

Deux zestes d’ Insuffisance

Les Insuffisances sont les arguments qui manquent de force démonstrative.

Tout le paragraphe concernant l’Afrique n’est rien d’autre qu’un Argument vide. Quelques Clichés qui tombent à plat sans aucune connexion avec l’ensemble du texte.

Saupoudrage de Détournement de la langue

Le Détournement de la langue concerne les façons d’instrumentaliser les failles du langage.

Ainsi « les grands chocs du monde », par son Acception vague permet de ratisser large sans s’engager sur aucun élément concret. En posant les termes du débat comme il le fait, le texte se conclut surtout sur un Faux dilemme, qui pose la ligne présidentielle comme unique alternative à la sortie de l’Europe.

Et en décoration des Erreurs mathématiques

Les Erreurs mathématiques concernent notamment les question de catégorisation.

L’exemple monté en épingle du Brexit est une excellente Généralisation par l’exemple. En se positionnant comme unique interlocuteur du centre du jeu façon “moi ou la chienlit”, le président s’offre également un magnifique Juste milieu.

En conclusion

Le trop est malheureusement l’ennemi du bien. En surchargeant son discours d’aliments fallacieux, Emmanuel Macron accouche d’un propos extrêmement fade et attendu où rien ne surnage, rien ne surprend, où aucune saveur ne reste en mémoire. L’ensemble se lit, pourtant, et nous devons saluer ici la compétence du mixologue qui parvient à créer comme une illusion d’équilibre. Mais on n’en retient rien. Plus grave : on ne s’est aucunement rafraîchi.