Des pirates à l’endomarche

Samedi 24 Mars 2018, des membres du Parti Pirate soutenu par la section Île-de-France ont participé à l’Endomarche. Il s’agit d’une marche internationale de lutte contre l’endométriose. En France elle est organisée par l’association Endomind [1] qui a accepté le soutien officiel du Parti pirate. Pour expliquer un peu mieux la démarche, j’ai questionné Stéphanie qui est atteinte de cette maladie et qui est la pirate qui a fait le lien entre ces deux associations.

Thomas : Bonjour Stéphanie, comment vas-tu ?

Stéphanie : Ben là j’ai mal au bide. C’est mes règles. J’ai comme l’impression qu’on essaye de faire le vide dans mon utérus. Et comme des coups de poignards par moment.

Thomas : Quel était le propos de l’Endomarche où nous étions samedi dernier ?

Stéphanie : Le but de cette marche c’est de sensibiliser le public sur l’existence de cette maladie. Ce n’est pas du tout ce que l’on appelle une maladie invisible, dans le sens où les symptômes sont très manifestes pour le malade, mais elle est si mal connue qu’on ne pense pas à ces symptômes comme ceux d’une maladie.
Et ce qui est grave, c’est qu’une très grande majorité de médecins sont également très mal informés et n’y pense pas forcément dans leur démarche diagnostique. En moyenne, le diagnostic met sept ans à être posé.
Il y a enfin un enjeu plus politique, entre la stimulation de la recherche qui n’en est qu’à ses balbutiements et la prise en compte de la maladie dans les divers aspects du droit.

Thomas : Bon, l’endométriose est mal connue, ça vaut le coup de la présenter. Tu peux m’en dire un mot ?

Stéphanie : C’est quand il y a des morceaux d’endomètre qui se balade un peu partout dans le corps. L’endomètre, c’est la muqueuse qui tapisse normalement les parois de l’utérus, gonfle et se durcit au cours du cycle et s’évacue au cours des règles. Là il se développe sur les ovaires, les trompes, la vessie, le rectum, les intestins… parfois jusqu’à l’estomac ou les poumons. Comme il ne s’évacue pas par les voies normales, le problème tend à s’empirer. Ça entraîne notamment une perte de mobilité des organes.
Du coup les symptômes sont très variés d’une femme à l’autre : douleurs (parfois aussi douloureuses qu’une crise cardiaque), règles hémorragiques, douleurs lors des relations sexuelles, lors du passage aux toilettes, nausées, fatigue chronique et bien sûr stérilité…

Thomas : Pourquoi as-tu demandé au Parti pirate de soutenir l’Endomarche ?

Stéphanie : Il y a un aspect culturel très important en même temps qu’un aspect institutionnel dans cette affaire. Si cette maladie n’a pas été prise en compte jusqu’à présent, c’est essentiellement dû au patriarcat qui domine la société.
T’imagines si tu avais une maladie qui touche un homme sur dix et qui le clouerait au lit au moins trois jours par semaine ? Même Hippocrate il aurait déjà travaillé dessus. Là, comme ça touche les femmes, on est en 2018 et personne ne s’en préoccupe. C’est un combat féministe, donc c’est politique.

Thomas : Concrètement, ça se manifeste comment ce patriarcat ?

Stéphanie : Tout d’abord, c’est le discours de normalisation de la douleur. C’est la première chose presque qu’une mère va dire à sa fille quand elle a ses règles : t’es une femme, c’est normal que ça fasse mal. Pour ça les femmes sont autant vecteur du patriarcat que les mecs, ça va, pas de problème, c’est transgenre.
En plus tu vas avoir ces femmes qui sans savoir vont du coup comparer l’inconfort qu’elles peuvent subir pendant leurs règles aux douleurs que ressentent une personne atteinte, genre « c’est des chochottes, moi je fais pas tant d’histoires ». Ce n’est pas la même chose en fait.
Après là où c’est vraiment horrible, c’est dans le corps médical. Déjà c’est super dur de trouver un médecin qui sait de quoi il s’agit. En général ils en ont vaguement entendu parler, mais ça leur vient pas à l’esprit quand on leur parle de nos symptômes. Même les gynécos. Et quand c’est diagnostiqué, en gros ça va être prescrire la pilule en permanence sans se préoccuper des effets sur le long terme qu’on commence pourtant à relever.
Ou alors ils t’orientent sur la PMA (procréation médicalement assistée). Parce que y a ça le plus souvent. Tu vas entendre des tas de fois « c’est votre corps qui vous réclame un enfant ». Par exemple si t’en veux pas et que tu cherches à faire une hystérectomie – ça ne résout pas tout, mais ça aide grandement – y a pas un praticien qui va accepter. Les médecins prennent la décision à notre place, parce que notre job c’est d’enfanter.

Thomas : Tu parlais aussi d’aspects institutionnels pour la lutte. Tu pensais à quoi en particulier ?

Stéphanie : Eh ben justement, quand c’est traité sur le volet de la fertilité, c’est super bien pris en charge. T’as des actes super coûteux qui sont remboursés à 100%.
Tout le reste, c’est à la charge des femmes qui souffrent : déjà pour trouver un médecin qui s’y connait un peu, faut parfois aller à Paris parce qu’il y en a pas partout, et il faut aller les voir en consultation privée à plus de 100€ la consultation, parce que par le parcours public c’est 6 mois d’attente dans le meilleur des cas.
Et puis il y a une question de reconnaissance de la maladie. Ce n’est même pas dans la liste des ALD (affection de longue durée). Notamment parce comme il n’y a pas de traitement, tu peux pas prouver que tu te soignes activement.
On peut essayer d’avancer aussi sur la question des temps partiels thérapeutiques, mais c’est pas forcément bien fichu pour le rythme menstruel. Pourtant on est vraiment dans le champ du handicap en fait.
Dans certains pays, il y a des congés qui sont accordés pour les règles. Ici, en France, quand on en a parlé, ça a été un déluge de polémique machiste complètement déprimant.

Propos de Stéphanie Geisler recueillis par Thomas Watanabe-Vermorel le 30 -03-2018

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