De la politique Kicapte toujours pas

Kicapte, c’est l’application qui doit permettre aux habitants d’Ille-et-Vilaine de tester le réseau téléphone et Internet mobiles partout et finement sur le territoire. Rassemblées, ces données devraient pouvoir donner une carte précise de la réception mobile, opposable aux opérateurs.

Problème soulevé (1) : selon l’analyse d’Exodus privacy (@ExodusPrivacy), l’appli présente des traceurs (essentiellement de Google et Facebook) et demande des autorisations surprenantes eut égard aux finalités de l’appli : accès aux contacts (dans une première version sur Google Play) et à tous les comptes du téléphone. Les services testés (YouTube, Facebook, Google) sont comme par hasard ceux dont l’appli contient les pisteurs…

Les soucis ne sont donc pas anodins : la géo-localisation, aisément liée à l’appartenance à un territoire (l’intérêt est d’utiliser l’appli chez soi ou dans ses lieux habituels), l’accès à des données du téléphone… Un joli bouquet d’informations profilées que l’anonymisation protège guère en l’espèce.

La discussion rebondit très récemment quand Damien Bongart, « vice président conseil départemental 35, chargé du numérique et très haut-débit », répond aux critiques (bravo sur le principe) et conteste les faits. Il met notamment en avant la politique de confidentialité de l’entreprise ayant créée Kicpate (@4Gmark : https://www.4gmark.com/privacy_fr.pdf ) et le fait que l’application ne ferait que se connecter à des services, sans pistage par ceux-ci.

Au-delà de l’expertise technique, il y a dans cette affaire un problème politique récurrent, nos élus font comme si tout ceci n’était que technique, hors de la vraie vie en somme.

Allo l’électeur, allo le citoyen ? Je vous entends très mal

Qu’une expertise soit faite par des citoyens, c’est souhaitable en démocratie. Que cette expertise ne soit pas faite en amont par les élus et leurs service, c’est une faute.

Déjà parce qu’on pouvait imaginer faire tout autrement pour dresser la carte de la réception mobile, sans justement ni mettre en cause les habitants ni compter sur une appli « du marché ». Mais le département a choisi cette façon-là. Où est la limite de la délégation, que perd-on en route ?

On s’attendrait plutôt à ce que pour Kicapte (ou applis équivalentes, par ex. celles de Rennes Métropole), la collectivité locale promeuve explicitement le souci de limiter au maximum l’exploitation des données personnelles, et notamment par les oligarques GAFAM. On lirait ainsi des messages relativement simples tels que « Ni traceur, ni pisteur, aucune autorisation plus que strictement nécessaire, dispo sur F-Droid, utilisation anonyme, etc. ».

Mais non. C’est hors du champ de vision, hors de la compréhension de nos élu·es.

Allo les élu·es ? Ce n’est pourtant pas compliqué

Élu·es du conseil départemental, monsieur Bongart en particulier, deux question simples :

  • pensez-vous avoir des électeurs en demande de traceurs, de pisteurs, d’aspirateurs de données personnelles ?
  • pensez-vous que l’intérêt général soit d’aspirer des données personnelles ?

Il est probable que vous pensiez plutôt en ces termes : les GAFAM ont gagné, ils sont incontournables à la démocratie numérique, nous avons besoin d’eux pour le bien public ; le grand public s’en fiche complètement d’être tracé ou pas, il l’est de toute façon tous les jours, ce n’est pas un sujet politique ; ça coûte trop cher de faire du numérique maîtrisé.

Voici la pensée qui nous donne Kicapte et les ateliers Google à Rennes… Un abandon de la place, un sauve-qui-peut, un renoncement politique.

Ayez une bonne hygiène numérique !

L’énergie renouvelable, la sobriété énergétique, le recyclage, faire attention aux déchets : voilà des termes et des réflexes qui sont entrés dans le vocabulaire politique des élus de Rennes et d’Ille-et-Vilaine. Il est vrai qu’à force de tirer sur la planète le réchauffement climatique est bien là et le sujet est si sensible qu’il est enfin devenu politique.

Que quelques entreprises captent une grande partie des données personnelles du monde, qu’elles dictent leur loi (suffisamment pour que le gouvernement français ou l’Europe comptent sur elles pour réguler l’expression sur Internet) et qu’elles façonnent l’Internet unilatéralement : ceci n’est-il pas encore aussi grave ?

Quel stade de surveillance et de monopoles faut-il atteindre que pour que nos élus, en charge de l’intérêt général (dont font à coup sûr partie nos libertés !) prennent enfin la mesure du danger ?

L’action publique doit promouvoir un écosystème numérique sobre en données personnelles collectées et divers quant à ses acteurs et à ses modèles. L’action locale peut être menée sans géo-localiser à outrance, jeu mauvais des empires numériques.

Bref, le citoyen veut du numérique éthique !

(¹) et relayé sur Twitter par notamment @XavierCoadic, @l1twit, #yv_pic, @CryptoPartyRNS, @politistution