1er mai 2019 : ne nous habituons pas !

C’est quand on compare nos souvenirs de premier mai avec le cru 2019 que l’on touche du plus près la déchéance de la démocratie française. Tradition républicaine et contestataire, les défilés de la fête du travail ont toujours été avant tout cela : une fête populaire où on va se promener avec ses enfants, où on mange une merguez en flânant entre des performances artistiques d’intérêts variables et des groupuscules gauchistes plus ou moins exotiques. Bref, un moment de revendication sociale, certes, mais avant tout un bon moment. C’est le milieu du printemps, il fait souvent beau. En mai, fais ce qu’il te plaît.

Ce n’est pas le soleil qui a gâché l’épisode 2019, même si on aurait pu l’espérer plus généreux. Mais Castaner et Lallement, son nouveau préfet de Paris jouaient leurs carrières. Éviter les débordements, contenir les violences… quitte à en faire massivement et aveuglément usage.

Nous avons rejoint la manifestation à 14 heures à Montparnasse et les manifestants étaient déjà passablement excédés par les provocations policières. Plusieurs rebroussaient chemin après que des tirs de lacrymogène ont donné la température dans le boulevard. Rue de Rennes, d’impressionnants escadrons de voltigeurs allaient et venaient, en guise de démonstration de force. Les banques, ces symboles sacrés de la macronie, étaient spécifiquement protégés.

Harcèlement policier

Quand le cortège s’est ébranlé, la circulation s’est tout de suite faite très difficile le long du large boulevard Montparnasse. Ca bouchonnait comme dans un RER aux heures de pointes. Et pour cause : au niveau de la Rotonde, les policiers avaient créé un goulot d’étranglement artificiel pour protéger le restaurant où Macron avait fêté sa victoire. Le sens des priorités des autorités qui mettait sans hésiter en danger les manifestants au moindre mouvement de foule, s’est révélé à ce moment parfaitement édifiant.

Quand nous sommes parvenus à Gobelins, l’ambiance était lourde. Le cortège avait été tronçonné par les forces de l’ordre et les tirs de lacrymogène faisait refluer la foule, sans qu’il soit permis de partir dans les rues adjacentes, barrées par la police. Quelques mobylettes brûlée et une banque taguée avaient servi de prétexte. Les citoyens usant de leur droit constitutionnel à manifester étaient les ennemis et le harcèlement policier leur prix à payer. Nous avons essuyé des tirs de lacrymogènes, balancés au hasard au milieu de la foule. Et fini par parvenir à Place d’Italie où nous attendaient trois drones sinistres voletant dans le ciel gris et une forme de nasse pour contraindre les manifestants à subir des palpations à la sortie du cortège.

Non, l’ordre n’a pas été préservé

On lit le soulagement d’éditocrates se félicitant de ce que l’ordre a été préservé. Disons le tout net : non, l’ordre n’a pas été préservé. Quand des milliers de manifestants pacifiques sont victimes de gaz lacrymogène, l’ordre, au contraire, a complètement failli. Car c’est une brique fondamentale du pacte social qui est fracturée : un citoyen qui respecte la loi ne doit rien craindre des forces de police. Les provocations policières bravaches, les LBD pointés vers la foule, les gaz lacrymogènes disent l’inverse : le pouvoir cherche à faire peur aux citoyens.

Que cette violence soit, pour paraphraser Asimov, le dernier refuge des incompétents qui nous gouvernent, cela ne fait pas de doute. C’est également une effarante démonstration de faiblesse : ainsi, pour gérer ce qui auparavant était une kermesse sympathique et rituelle, vous en êtes donc là ?

Une chose est certaine : les citoyens ne doivent pas se laisser impressionner. Et surtout, ils ne doivent pas s’habituer. Ni aux gaz, ni aux drones ni surtout aux entraves à la liberté de manifester. Les casseurs les plus dangereux sont les décideurs politiques.